mar 142015
 

Muco-Portique du SarrazinSamedi, je m’baladais sur l’avenue, le cœur ouvert à l’inconnu sur Kikourou. J’avais envie de dire bonjour à n’importe qui voir un peu les courses du week-end. Et que ne vis-je : un petit trail, du genre campagnard et accueillant, au sud de Fontainebleau, au profit de Vaincre la Mucoviscidose ! Ni une ni deux, chauffe les nues pattes, c’est parti pour 23km !

Mise en abîme, ou les balades gigognes

C’est donc dimanche vers 7h du matin, les paupières encore lourdes, que j’ai enfilé le cuissard et le maillot UASG sous l’armure de motard, puis réveillé mon flat pour rejoindre Nemours. Météo magnifique, le rêve du coureur et du motard réunis : traversée de la plaine juste avant Fontainebleau, brumes fantomatiques sur les champs, lever de soleil sur la campagne, légère fraicheur pour se mettre dans l’ambiance… Un véritable plaisir !

Muco-ChaussettesComme je m’y attendais, c’est une toute petite organisation que cette course : une poignée de bénévoles, quelques stands dans un stade. Je récupère mon dossard (12€ pour 23km, dont les 2/3 reversés à l’association ! On est loin des gros événements parisiens, à tous points de vue !). Ironie du sort : le cadeau technique est une paire de chaussettes ! Moi qui vais courir pieds nus… Je retourne à la moto, tel Superman (et modeste, bien sûr) pour ôter mon costume et me transformer en coureur Rougénoir.

Mais j’prends quoi comme chaussures ?…

Le paradoxe du Nu-Pattes, c’est que finalement on se crée plein d’états d’âme. Le terrain m’est totalement inconnu. J’avais échangé un peu la veille avec Philippe sur twitter, mais difficile de me faire une idée… Hors de question pourtant que je me pointe chaussé sur une course pour la muco ! J’opte donc pour la version la plus light de mes sandales maison, que j’accrocherai à la ceinture. Je glisse également une pince à épiler et un tube de superglue dans une poche : me voilà paré à tout !

[SPOILER] RIEN ne m’aura servi ! [/SPOILER]

Une matinée de soins

PhilouLe dossard épinglé, un petit échauffement, et le départ est donné au son de la cornemuse ! Les 250 coureurs s’élancent joyeusement. On est tout de suite dans la forêt, nous y resterons tout le long de la course.

Massage…

Les premiers hectomètres se font sur un chemin avec quelques vieux pavés entre lesquels la forêt a repris ses droits. Ils sont tout doux ! On passe quelques rochers bellifontains, très lisses, puis on embraye sur un chemin forestier, vraiment clément. On monte doucement en température, de l’allure modeste du départ, je commence à remonter la file ce coureurs. Ce n’est pas présomptueux : je préfère prendre un peu d’avance, je pense que le terrain le contraindra ensuite probablement à ralentir.

Ça file à près de 15km/h, presque comme un semi ! Je soigne une foulée vraiment propre sur ce tapis de luxe, vraiment très confortable. Même dans les single tracks, je ralentis peu : je suis en forme, la lecture du terrain est vraiment facile. Ça plaisante beaucoup dans les rangs !

Bain de boue…

À mesure qu’on s’enfonce dans la forêt, les chemins se rétrécissent et deviennent vraiment très ludiques ! Les quelques jours de pluie qui ont précédé la course ont rendu le terrain vraiment idéal. Quelques flaques que je prends soin de ne pas contourner, et surtout une terre sur laquelle les appuis sont très francs. Les pieds s’enfoncent parfois dans la boue, puis se nettoient dans l’herbe, toujours à la même allure très agréable.

On trouve également ces chemins de sable caractéristiques du coin : là encore, être pieds nus me permet d’adapter très précisément la foulée, le poser du pied et la propulsion. Il n’y a presque aucune déperdition d’énergie, et là encore je remonte des coureurs chaussés.

Acuponcture !

On passe un endroit très technique entre des rochers, dans lequel les indigènes passent très vite, probablement grâce à une reco préalable. J’essaye de ne pas trop ralentir, mais mes lunettes s’embuent, et ne sont pas très stables : bref, je n’y vois rien, et c’est très handicapant pieds nus. Je suis donc très précautionneux, c’est à partir de là que je commence à vraiment m’écarter du timing.

Nous entrons vraiment dans le vif de la course. Pour éviter les différentes embûches, il faut vraiment une concentration de chaque instant. Le terrain est devenu tapissé de châtaignes, et malgré mon attention, il est difficile de les éviter. Au début j’appréhende un peu, mais je me rends vite compte que mon cuir est suffisamment résistant et qu’en réalité les piquants ne percent pas la peau ! Ça picote donc gentiment, mais sans plus : un facteur d’inquiétude en moins !

Playtime !

Le passage le plus délicat de cette course est un long single track très tortueux entre le 11è et le 15è km. Assez rapidement je laisse passer un peloton de coureurs, pensant que j’allais devoir lâcher du lest. Je reprends à mon rythme, puis entends une coureuse qui me rattrape.

- Je te laisse passer ?
Oui, entre coureurs, on est un peu cavalier ;)
– Non merci, je reste derrière !

Mince, j’ai la pression :) donc je trace ! Et en effet j’entends qu’elle s’accroche à mon allure, mais que c’est suffisant. J’imagine qu’elle préfère que je fasse le lièvre et que j’ouvre le chemin. De fait, j’avance vraiment vite, et mes réflexes sont mis à rude épreuve. Le moindre relâchement est systématiquement sanctionné, soit par une racine, soit une pierre (heureusement, elles ne sont pas pointues).

Tel que je me connais, chaussé, j’aurais trébuché au moins 3 fois et me serais étalé : c’est donc un moindre mal. Je bute 3 ou 4 fois, mais ça tient de la contusion : je ne m’arrête pas jusqu’à la fin du single. Toutefois sur la sortie, il me faudra 1 minute de pause pour reprendre mes esprits

Eh, revoilà le coureur pieds nus !

Grosso modo, c’est tout ce que j’ai entendu sur le retour ! Les bénévoles étaient globalement les mêmes, très sympathiques, et disons les choses comme elles sont : j’ai amusé la galerie ! Enfin, c’est un peu le but aussi.

Re-acuponcture

Le retour se fait globalement par des chemins similaires à l’aller, pas grand chose à dire de plus. La différence entre l’aller et le retour tient plutôt à la fatigue qui s’est installée, et la vigilance s’émousse. Si je fais toujours très attention aux réels obstacles à éviter, je ne me préoccupe plus trop des châtaignes et je dois régulièrement frotter d’un geste sous le pied pour ôter ces petites boules d’amour vache ! Je fais ce geste sans m’arrêter, rien ne reste fiché sous la peau.

Toutefois si je suis un peu moins à l’attaque, je guète les portions simples pour relancer l’allure. En fait je ne relance pas vraiment, je passe d’une foulée très courte et amortie (pose de pied précautionneuse, presque à plat pour bien répartir le poids, genoux fléchis pour faire ressort et avoir un maximum de liberté de mouvement, respiration forcée,…) à quelque chose de plus dynamique (buste redressé, pose vraiment sur le médio-pied, on griffe sans griffer en allant chercher loin derrière, les bras très près du corps, mouvements longilignes, respiration souple, regard loin devant, bref je visualise la foulée très tonique de Bikila, Gebre et Paula). Cela suffit pour accélérer sans particulièrement se forcer. Je contrôle l’allure à la respiration (je voulais prendre un cardio par curiosité mais je ne l’ai pas retrouvé !)

Le névé

Il mérite son titre et son paragraphe, tant je me suis délecté de ces quelques 150m !

Après un passage assez technique, tant que j’ai raté un embranchement et suis revenu sans m’en rendre compte sur les pas, je m’engage à une centaine de mètres derrière 2 coureurs. Je les suis, et les vois tout à coup disparaitre dans une descente. Je devine la pente raide et appréhende un peu, redoutant quelque chose de glissant.

Pensez-vous ! Je vois apparaître devant moi une magnifique descente, effectivement assez raide, faite du plus léger des sable, si fin, si soyeux, un abîme d’ouate dans lequel on aimerait plonger, non pas tête la première, mais à pleins talons !

On dirait un névé, mais tout juste frais, accueillant, bref, un rêve ! Et là où je voyais mes prédécesseurs râler de se remplir les chaussures de sable, je me suis abandonné à corps perdu, tel Laura Ingals (sauf les couettes) ! Un véritable délice, cadeau insoupçonné des organisateurs au Nu-Pattes !

Finish

Les 7 ou 8 derniers kilomètres s’effectuent sans encombre. Toutefois les pieds deviennent tout de même un peu sensibles à force d’être malmenés, ce qui me contraint à réduire l’allure significativement des que le terrain se fait difficile. Aucune importance : c’est le plaisir qui prime ! Quelques ultimes détours pour s’amuser une dernière fois dans les rochers, et les haut-parleurs du stade se font entendre. J’accélère peu à peu pour terminer en beauté sur cette piste ! Au final un peu moins de 2h20 de course, et 60è sur à peu près 250 coureurs. Pas mal pour un premier trail nu-pattes improvisé la veille !

Au final la course s’est réellement bien passé, impression confirmée par les jours qui ont suivi. J’ai rencontré essentiellement 3 difficultés :

  • Quitter le terrain des yeux pour regarder les éléments alentours (dont la montre)
  • Surveiller les coureurs derrière moi : ça m’est arrivé assez souvent, mon allure étant assez irrégulière et atypique
  • Changements brusques d’éclairage (soleil qui flache entre les branches) dans les single tracks

Je constate une nouvelle fois que la fatigue n’est pas du tout de la même nature que lorsqu’on court chaussé. La lecture du terrain est très complexe, très riche, il ne faut rien rater et les réflexes doivent être parfaitement aiguisés en permanence. Je ne m’en cache pas : le risque de subir une vraie blessure sur quelque obstacle qui se serait joué de ma vigilance est décuplé par l’allure course. La fatigue nerveuse induite joue un rôle considérable dans la gestion de course.

Comme l’allure est parfois bridée par le terrain, les muscles sont un peu épargnés. Corollaire : je relance très facilement et à belle allure lorsque le terrain redevient favorable. Malgré tout j’estime que chaussé, j’aurais gagné environ 20 minutes. Toutefois je renouvellerai l’expérience sur quelque chose de plus long (50km ?) : je pense que ce coût diminue avec la distance. Mes sandales ne m’auraient rien apporté d’autre que des soucis supplémentaires.

IMG_3825Les organisateurs ont vraiment fait un beau travail sur le parcours, et ont magnifiquement utilisé les possibilités des alentours ! C’est une course sur laquelle j’ai pris beaucoup de plaisir. Je la recommande en tous cas très chaudement à qui cherche à passer un bon moment !

  7 Responses to “Un Sarrazin !!”

  1. Florent j’ai relu deux fois récit juste pour la vivre par procuration ! Moi qui ne connais la course PN que sur route, ça donne envie quand même … Dans la Forêt de Meudon les bogues ont été écrasé depuis des mois déjà sur les chemins ;-)

    Hâte de debriefer sur ta course lors d’une prochaine animation !

    Christian

    • Salut Christian ! Il faut que j’arrive à me rendre dispo pour cela, ce sera avec plaisir !
      Je vais rater les Maréchaux la semaine prochaine : je dois récupérer mes enfants assez tôt. Le pire est que je vais faire une sortie comparable… mais départ 7h max, et à allure soutenue. Mais nous trouverons un créneau !

  2. Encore un beau témoignage !
    Va vraiment falloir que tu passes dans mon podcast pour nous en dire plus !
    Ermanno

  3. Sinon, je serais curieux de savoir s’il faut une résistance « route » pour être bien en trail ? Ou ça se joue plutôt sur la resistance des coussinets ?

    • Christian, le bitume des trottoirs parisien est probablement insuffisant. Mais celui de la chaussée par exemple fournit une bonne préparation ! Par ailleurs, le terrain du parc Guimier fournit un bon complément. Je n’avais pas une prépa de fou pour ce trail, qui était juste après les Ponts de Paris (si tu te souviens, je n’avais que très peu couru dans les 3-4 mois qui précédaient la sortie…)

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